mercredi 2 février 2011

Le commerce triangulaire: le bilan humain

Les échanges se faisaient soit à terre, soit sur le bateau. Dans les deux cas, les modalités de l'échange entre négriers africains et négriers européens avaient peu varié au cours des siècles. La marchandise européenne était étalée aux regards des courtiers et des intermédiaires africains. Ensuite les négriers européens payaient les coutumes, c'est-à-dire des taxes d'ancrage et de commerce. Puis les deux parties se mettaient d'accord sur la valeur de base d'un captif. Ce marchandage était âprement discuté.
Les prix avaient évolué au cours des quatre siècles de la traite négrière occidentale.

L'arrivée des Français et des Anglais en 1674 sur les côtes d'Afrique, jusque là chasse gardée des hollandais, fait brutalement monter le prix des esclaves, qui sera multipliée par 6 entre le milieu du 17ème siècle et 1712, entraînant le développement de nouveaux circuits d'approvisionnement à intérieur du continent, qui affaiblissent les sociétés africaines traditionnelles.

L'arrivée en masse de nouveaux esclaves aux Antilles fait parallèlement baisser leur prix d'achat par les planteurs de canne à sucre, dopant la production ce qui a pour effet d'abaisser le prix de cette denrée sur le marché mondial et encourager sa consommation avec à la clé un immense développement de l'économie sucrière et le trafic d'esclaves.
L'embarquement des captifs se faisait par petits groupes de quatre à six personnes. Certains préféraient sauter et se noyer plutôt que de subir le sort qu'ils s'imaginaient : ils croyaient que les Blancs allaient les manger.

Dès qu'ils étaient à bord, les hommes étaient séparés des femmes et des enfants. Ils étaient enchaînés deux à deux par les chevilles et ceux qui résistaient étaient entravés aux poignets.
La traversée durait généralement entre un et trois mois. La durée moyenne d'une traversée était de 66,4 jours. Mais selon les points de départ et d'arrivée, la durée pouvait être très différente. Ainsi les Hollandais mettaient 71 à 81 jours pour rejoindre les Antilles alors que les Brésiliens effectuaient Luanda-Brésil en 35 jours. Avant d'entamer la traversée, il arrivait souvent que le négrier mouille aux îles de Principe et São Tomé. En effet, les captifs étaient épuisés par un long séjour, soit dans les baracons, soit dans le cas d'une traite itinérante sous voile.

Les femmes et les enfants étaient parquées sur le gaillard d'arrière tandis que les hommes étaient sur le gaillard d'avant. La superficie du gaillard d'avant était supérieure à celle du gaillard d'arrière. Ils étaient séparées par la rambarde.

Les captifs étaient enferrés deux par deux. Ils couchaient nus sur les planches. Pour gagner en surface, le charpentier construisait un échafaud, un faux pont, sur les côtés. Le taux d'entassement était relativement important. Dans un volume représentant 1,44 m (soit un « tonneau d'encombrement », 170×160×53), les Portugais plaçaient jusqu'à cinq adultes, les Britanniques et les Français, de deux à trois. Pour les négriers nantais, entre 1707 et 1793, le rapport général entre tonnage et nombre de Noirs peut être ramené à une moyenne de 1,41.
La plupart des révoltes se réalisait le long des côtes africaines. Elles pouvaient également avoir lieu en haute mer mais c'était beaucoup plus rare, il y avait au moins une insurrection tous les huit voyages.

Quelques unes réussirent :

* en 1532, 109 esclaves se rendirent maîtres du Misericordia, un navire portugais. De l'équipage, il ne restait que 3 rescapés. Ceux-ci réussirent à s'enfuir. On n'entendit plus jamais parler du navire.
* En 1650, un navire espagnol sombra au large du cap de San Francisco. Les Espagnols survivants furent tués par les captifs africains.
* En 1742, les prisonniers de la galère Mary se soulevèrent. Seuls le capitaine et son second en réchappèrent.
* En 1752, les esclaves du Marlborough se révoltèrent. On n'entendit plus jamais parler d'eux.

Mais la plupart du temps, les révoltes étaient matés et les meneurs servaient d'exemple : ils étaient publiquement battus et pendus, voire pire. Certains pouvaient être victimes d'actes de barbarie.


Jusqu'en 1750, la période la plus active,la mortalité des déportés durant la traversée reste proche d'un sur six.

Différents facteurs de mortalité ont été recensés : la durée du voyage, l'état sanitaire des esclaves au moment de l'embarquement, la région d'origine des captifs, les révoltes, les naufrages, l'insuffisance d'eau et de nourriture en cas de prolongement de la traversée, le manque d'hygiène, les épidémies (dysenterie, variole, rougeole,...), la promiscuité.

Les enfants de moins de 15 ans étaient plus fragiles que les hommes. Les femmes étaient plus résistantes que les hommes.

La mortalité des déportés lors de la traversée serait comprise entre 11,9 % et 13,25 %. Il arrivait que certaines atteignent 40 %, voire 100 %.

Dans le cas des expéditions négrières nantaises, le taux de mortalité des déportés avoisinait 13,6 %.
Les esclaves devaient être systématiquement soumis à une quarantaine avant d'être débarqués. Mais les arrangements avec les autorités étaient fréquents. Le chirurgien veillait à redonner une apparence convenable : les lésions cutanées et les blessures étaient dissimulées, les cheveux étaient coupés et le corps était enduit d'huile de palme. Ils étaient alors prêts pour être vendus sur les marchés aux esclaves. Dans la majorité des colonies, les esclaves étaient vendus par lots. Une annonce était transmise aux planteurs locaux. La vente pouvait avoir lieu sur le navire ou à terre. Il existait plusieurs techniques de vente comme les enchères ou le scramble. Les colonies qui importèrent le plus d'esclaves furent le Brésil suivi des Antilles.

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