La "légère polémique" qui entoure les origines de la littérature écrite au Cameroun résulte d'une histoire coloniale complexe où les Anglais, les Allemands et, après la première guerre mondiale, les Français, se sont succédés. Alors que le français domine la production littéraire du vingtième siècle, c'est aux missionnaires anglais, aux conquérants allemands et surtout aux érudits locaux que l'on doit l'introduction de l'écriture et la production de textes en douala, en anglais et plus tard en allemand. Le Sultan Ibrahim Njoya qui domina la vie intellectuelle de sa région à la fin du dix-neuvième siècle par exemple, inventa son propre alphabet et écrivit plusieurs volumes consacrés au droit, au savoir et aux coutumes bamoun. Ce n'est que dans les années 1920 que cette écriture fut abandonnée, lorsque les Français détruisirent ses presses, fermèrent toutes ses écoles et imposèrent leur propre langue et matériel pédagogique. Rudolph Douala Manga Bell fut un autre intellectuel appelé à devenir une figure de proue de son pays. Après des études de droit en Europe, il rentra au Cameroun où il devint le chef des Doualas mais, comme tant d'autres, il finit par être sommairement exécuté par une administration coloniale peu disposée à s'engager sur la voie de négociations juridiques avec un avocat africain. C'est à la même époque que Joseph Ekolo publia ses impressions de l'Europe sous le titre Wie ein Schwarzer das Land der Weiszen ansieht (Vision du monde blanc par un noir). En 1932, Jean-Louis Njemba Medou publia Nnanga Kon en langue boulou, un ouvrage qui est parfois considéré comme le premier roman écrit par un Camerounais. Parmi les premiers auteurs camerounais à s'exprimer en français, on peut mentionner Isaac Moumé Etia qui écrivit quelques contes dans les années 1920-1930 et Louis Pouka Mbague qui fut acclamé à Paris dans les années 1940-1950 et dont le vers: "Ô France, ô notre unique espoir (...) tu demeures pour nous la providence du Noir" résume toute l'œuvre.
Ce qu'il est convenu d'appeler la première génération des romanciers camerounais regroupe des auteurs s'étant fixé pour mission une analyse critique et serrée de la colonisation. Mongo Beti (alias Eza Boto), René Philombe, Francis Bebey et Ferdinand Oyono, à ses débuts, sont peut-être les représentants les plus connus de cette époque. La deuxième génération d'écrivains regroupe des auteurs expimant les espoirs déçus qui ont suivi l'indépendance, mais aussi, malgré leur pessimisme, un désir de voir leur pays sortir d'un marasme socio-économique qui s'amplifie. Mongo Beti reprend la plume après un silence de 15 ans pour faire L'autopsie d'une décolonisation alors que d'autres expriment l'horreur d'un régime sanglant qui s'est arrogé tous les pouvoirs.
Mis à part les souvenirs de voyages de Marie Pauline Thorbecke publiés en allemand en 1914 sous le titre de Auf der Savane : tagebuch einer Kamerun-reise, la courte autobiographie publiée en 1958 par l'adolescente Marie-Claire Matip et l'excellent roman de Thérèse Kuoh Moukouri, Rencontres Essentielles, écrit en 1956 (et publié en 1967), il faut attendre les indépendances pour que la littérature des femmes prenne son essor.
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