mardi 4 mai 2010

Le sultan Njoya souverain d’exception


En 1907, une revue missionnaire publiée à Bâle, "Der evangelische Heindenbote" diffuse la nouvelle qu’un jeune roi,un certain Njoya, souverain d’un royaume montagnard du Cameroun dont les habitants s’appelent les Bamoun, a créé une écriture. Cet accomplissement vaudra à son auteur une grande renommée.
Njoya commence à gouverner vers 1892/1896, vers l’âge de 19 ans (il est né en 1876). Arrivé sur le trône, il a écarté du palais comme le veut la tradition le 1er grand officier du palais, Gbetnkom, hérité de son père.
Njoya se dote d’une cavalerie, demande au lamidat de Banyo de lui envoyer des marabouts pour l’initier à l’islam (il veut mâîtriser les rites qui lui paraissent plus puissants que ceux auxquels se livrent les Bamoun). Le 3è élément de cette puissance est l’écriture. Ayant vu un coran, ayant également été en contact avec les allemands, Njoya veut lui-même disposer d’une écriture et entreprend le projet d’en créer une. Le souverain bamoun réussira non seulement à créer une écriture, mais en plus à l’utiliser et à la répandre de façon à ce qu’elle soit accessible à tous.
La naissance de cette écriture est mythologisée comme suit : "un homme apparut en rêve au roi et lui ordonna de prendre une planchette, d’y dessiner une main, de laver son dessin et de boire l’eau. Le lendemain, le roi prit une planchette et but l’eau qui avait servi à ce lavage, comme cela lui avait été indiqué dans le songe".
joya appela beaucoup de gens et leur dit : "si vous dessinez beaucoup de choses différentes, et que vous les nommiez, je ferai un livre qui parlera sans qu’on entende.
Par cinq fois, le roi essaya d’obtenir un résultat en vain. Ce fut à la 6ème tentative que l’écriture fut trouvée.
C’était le point de départ d’une invention qui allait valoir à Njoya un extraordinaire renom. L’écriture comptait au départ plus de 500 signes. Elle sera perfectionnée tout au long des années et connaîtra 6 transformations, la dernière intervenant vers 1918.
Dès 1911, l’écriture était commode à utiliser car le nombre de signe avait été ramené à 80. L’usage de l’écriture se répandit et le nombre de textes rédigés avec l’écriture royale augmenta. Njoya institua un bureau d’Etat-civil où l’on enregistrait les naissances, mariages, quelques recensements locaux. Les jugements du tribunal royal étaient également notés : on assistait à la naissance d’une véritable bureaucratie moderne.
En quelques années, Njoya pris conscience des possibilités qu’ouvrait l'écriture. Il créa une école au palais, la "Bamun Schule des Häupling Ndschoya in Fumban".
C’est à cette époque que la rédaction systématique du livre de "l’histoire" (recensant l’histoire, les lois et les coutumes des Bamouns et de leur voisins) fut entreprise, bien que les collectes des traditions aient commencé quelques années plus tôt (il existe des textes relatifs à l’histoire des différents règnes rédigés dans le 3è alphabet). L’histoire que Njoya appela son magnum Opus (écriture royale) compte plus de 1 100 pages et sa réplique se trouve actuellement au Pitt-Rivers museum d’Oxford.

En 1912, Njoya décida d’établir la carte du pays. Il accompagna l’expédition qui dura 52 jours et fit un relevé topographique des 2/3 du territoire. Le relevé fut achevé en 1920.
Parmi les autres accomplissements de Njoya, on peut noter qu’il accomplit une œuvre législative importante puisque selon "l’histoire", 78 changements furent apportés à la coutume : il abolit certains privilèges royaux et allégea les coutumes à caractère pénal en supprimant un grand nombre de règle dont la transgression était punie de la peine capitale (ceux qui les Parmi quelques unes des autres réalisations de Njoya, on peut citer le domaine agricole, puisqu'il introduisit des plantes européennes en pays bamoun. Le roi Bamoun inventa également une religion inspirée à la fois de l’islam et du christiannisme...
A la fin de la première guerre mondiale, les allemands, présents depuis 1900/1902 quittèrent le royaume bamoun, laissant la place à l’administration française qui allait se montrer plus agressive à l’égard de Njoya. : le dernier gouverneur allemand du Cameroun, karl Ebermaier affirmait en effet : "Njoya fut le plus capable, le plus intelligent et le plus loyal de tous les chefs du Kamerun que j’ai appris à connaître ; il amena la prospérité dans son pays en développant l’agriculture, l’artisanat et le commerce, et fut pour tous un modèle".

De fait, les administrateurs français vont affaiblir Njoya qui sera privé de ses pouvoirs traditionnels vers 1924-1925, puis finalement arrêté et exilé à Yaoundé en 1931, en compagnie de quelque proches et de quelques fidèles.
Le règne de Njoya dura près de 40 ans (dont 30 ans de gouvernement effectif). Njoya s’écartera des allemands, louvoiera avec les anglais, puis finalement se heurtera aux français et refusera de leur céder. Il n’aura pas davantage été l’allié fidèle et loyal qu’ont vu en lui les allemands qu’il ne sera devenu l’auxilliaire de la colonisation en quoi voulaient le transformer les français.
Il est à noter que Njoya avait également réussi à faire créer une imprimerie. Selon certains, il la détruisit lui même sous le coup de la colère. Selon d’autres, ce sont les administrateurs français qui détruisirent son imprimerie et interdirent l’usage de l’écriture Bamoun (craignant qu'elle serve de facteur unificateur à une possible rebellion), qui deviendra hors d’usage.

Il y mourra le 30 mai 1933.

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