lundi 13 décembre 2010

Victor Schœlcher

L'auteur du décret de l'abolition de l'esclavage du 27 avril 1848, Victor Schœlcher, homme politique français, Républicain, est célébré partout à la Martinique. Il a donné son nom à de nombreuses rues, à une grande bibliothèque, et même à une ville de l'île! Il n'a pas, à lui seul, rendu la liberté aux esclaves, mais a consacré sa vie à la dénonciation de l'esclavage et au combat pour son abolition, ainsi qu'à diverses luttes sociales et politiques, telles que celles qui visaient à supprimer la peine de mort, à améliorer le sort des femmes et des enfants ou à instaurer l'école laïque.
Victor Schœlcher est né en 1804 à Paris. Son père, originaire de Fessenheim en Alsace, est fabriquant de porcelaines. Victor quitte le lycée Louis-le-Grand en 1819, à l'âge de 15 ans, puis travaille dans la fabrique de son père. Après sa mort en 1832, il prend en charge la direction de la fabrique, mais il est passionné de politique, mal à l'aise dans son rôle de marchand, et finit par liquider l'entreprise en 1834. Il hérite en 1839 d'un patrimoine immobilier appartenant à sa mère et peut alors vivre de ses rentes.


Il se fait d'abord connaître comme critique d'art et fait ainsi la connaissance de peintres (Eugène Delacroix, Xavier Sigalon...), d'écrivains (Eugène Sue, Georges Sand...), de musiciens (Hector Berlioz, Frédéric Liszt, Frédéric Chopin...), et surtout d'Ernest Legouvé, écrivain, qui le conseillera tout au long de sa vie sur la forme de ses écrits et ses orientations politiques. Il voyage en Europe, visite l'Allemagne, l'Autriche, la Hollande, l'Espagne, l'Italie et la Grande-Bretagne.


Il se joint aux opposants à la monarchie, soutient les prisonniers politiques républicains, lutte pour l'amélioration de leurs conditions de détention, s'oppose aux bagnes et à la peine de mort, entre autres, mais l'histoire a surtout retenu son action pour l'abolition de la traite et et de l'esclavage.


Victor Schœlcher n'est pas le premier à s'insurger contre les pratiques esclavagistes. Bien que loin d'aboutir, la lutte pour l'abolition de l'esclavage a déjà commencé depuis longtemps lorsqu'il arrive en Amérique en 1829, en théorie pour représenter l'entreprise de son père. Rapidement, il « oublie » la mission commerciale qui lui a été confiée et s'intéresse de près aux conditions de vie des esclaves, qu'il dénonce dans des articles envoyés pour publication à la « Revue de Paris » et dans un ouvrage intitulé « De l'esclavage des Noirs et de la législation coloniale », rédigé à son retour et publié en 1833. Au cours de son voyage, il a visité le sud des Etats-Unis, le Mexique et Cuba. En 1840, il publie « Abolition de l'esclavage. Examen critique du préjugé contre la couleur des Africains et des sang-mêlés » dans lequel il réfute l'argument selon lequel il existerait une hiérarchie entre les hommes.
Il quitte à nouveau la métropole en 1840 à destination des Caraïbes pour se consacrer à l'étude de l'esclavage. Après un périple de plus d'une année dans les Caraïbes (il se rend à Haïti, à Puerto Rico, en Jamaïque, à Antigua, à la Dominique, à Saint-Thomas, en Guadeloupe et en Martinique), au cours duquel il a pu évaluer les conséquences de l'émancipation progressive en cours dans les colonies britanniques, il rentre persuadé qu'il est nécessaire d'abolir l'esclavage immédiatement, et non progressivement, comme cela avait jusqu'alors été proposé en France. Il ramène de son voyage des quantités d'objets témoignant en particulier des conditions de vie des esclaves, dénonce par écrit les exactions commises par les colons ainsi que l'indulgence de la justice à leur égard et élabore un projet de réforme sociale qui vise à abolir l'esclavage dans les colonies sans risquer leur faillite. De retour en métropole fin 1841, il publie « Des colonies françaises. Abolition immédiate de l'esclavage », qu'il dédie aux planteurs de Guadeloupe et de Martinique, en 1842, ainsi que « Colonies étrangères et Haïti », en 1843.
eE 1844 il embarque pour l'Egypte avec l'intention d'y poursuivre ses investigations sur l'esclavage. Il le trouve plus « doux » dans ce pays que dans les Caraïbes et en Amérique et parle d'une « sorte d'adoption par achat ». Il se rend aussi en Grèce et en Turquie. A son retour, il publie « L'Egypte en 1845 ». Dans « Histoire de l'esclavage pendant les deux dernières années », paru en 1847, il dénonce la corruption de certains élus, fonctionnaires et journalistes, rémunérés par les colons pour vanter les bienfaits de l'esclavage. En 1847, il part pour le Sénégal et la Gambie, pays de la traite, où ses déplacements sont étroitement surveillés.
De retour du Sénégal le 3 mars 1848, il persuade Arago, le ministre de la marine du gouvernement provisoire mis en place après les journées révolutionnaires de février 1848, qu'il est nécessaire de prendre la décision d'abolir l'esclavage sous peine d'avoir à faire face à un mouvement de révolte semblable à celui qui avait été à l'origine de l'abolition à Saint-Domingue en 1793. Le gouvernement provisoire adopte le principe de l'abolition de l'esclavage le 4 mars 1848. Schœlcher est nommé sous-secrétaire d'Etat aux colonies et président de la commission d'abolition de l'esclavage, fonctions qu'il occupera respectivement jusqu'aux 17 mai et 21 juillet 1848. Il prépare le décret d'abolition du 27 avril 1848, qui donne aux « nouveaux libres » des droits de citoyens, ainsi que des mesures d'accompagnement, telles que la création d'une commission d'indemnisation des propriétaires d'esclaves. Il fait nommer Perrinon, polytechnicien et officier originaire de Saint-Pierre, à la tête de l'administration coloniale de la Martinique, fait appel au clergé pour ouvrir des écoles gratuites pour les enfants des anciens esclaves et des cours du soir pour les adultes, et nomme à la tête des autorités religieuses des ecclésiastiques favorables à l'abolition de l'esclavage. Il impulse ainsi une dynamique de transformations socio-économiques qui constituera une ligne directrice pour l'évolution sur le long terme de la Martinique.

Au scrutin de 1848, il est élu représentant du peuple en Martinique. La tendance schœlcheriste, qui se base sur le respect des principes républicains d'égalité et de liberté, est à cette époque révolutionnaire dans les Caraïbes, où l'esclavage survit et où les esclaves libérés n'ont pas pour autant acquis des droits civiques. Cette tendance schœlcheriste prend cependant vite des dimensions mythiques. En 1849, il apporte son soutien financier à un journal d'opinion, « Le Progrès », qui reflète bien ses idées sur la politique coloniale à mettre en œuvre au lendemain de l'abolition.

En août 1870, Schœlcher, âgé de 66 ans, rentre à Paris après avoir passé près de 19 ans en Grande-Bretagne. Il prend part à la guerre qui oppose la France aux Prussiens, puis joue un rôle de conciliateur pendant les événements de la commune en 1871. Cette même année, il est à nouveau élu représentant de la Martinique. A cette époque, les séquelles de l'esclavage sont encore très sensibles dans les colonies, et dans ce contexte, le principe de l'assimilation coloniale, prôné par Schœlcher, prend une allure de mythe. En 1875, il est élu sénateur inamovible. Depuis son retour d'exil, il joue en quelque sorte un rôle de conseiller permanent auprès du gouvernement pour les questions coloniales, ce que les planteurs et usiniers de l'île acceptent mal. Au cours du dernier quart du XIXème siècle, il s'indigne contre l'application partielle et laborieuse du principe de l'assimilation coloniale et contre la politique d'expansion coloniale irrespectueuse des droits de l'homme, et lutte pour que les colonies continuent à être représentées au Parlement. Il fait également partie de nombreux comités, sociétés et commissions voués à abolir toutes les formes de servitude et à promouvoir diverses luttes sociales comme l'amélioration du sort des femmes. Les derniers articles qu'il écrit sont réunis en deux volumes intitulés « Polémique coloniale » et publiés en 1882 et 1886. En 1882, il fonde avec Gaston Gerville-Réache le journal « Le moniteur des colonies ». En tant que membre de la commission du travail colonial créée par le ministère de la marine et des colonies, il s'intéresse à l'immigration qui fait suite à l'abolition de l'esclavage dans les colonies et publie en 1883 « L'Immigration aux colonies ». Le dernier ouvrage qu'il écrit, publié en 1889, à l'occasion du centenaire de la Révolution, est consacré à la vie de Toussaint Louverture.

En 1892, Schœlcher se retire définitivement dans sa maison de Houilles, en région parisienne, où il s'était installé en 1876. Il y meurt le 25 décembre 1893. Il est inhumé au cimetière du père Lachaise puis transféré au Panthéon en mai 1949.

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