lundi 18 avril 2011

Le petit vendeur de beignets

Un marché avec sa multitude de couleur.



Quand j'étais au Cameroun, vers les années 1974, ma tante sophie qui m'appelait "le petit le z'enfant", c'était mon surnom affectif et en Français, était évidemment une excellente cuisinière et pour arrondir les fins de mois pratiquait deux activités. L'alcool prohibé de mémoire ça s'appelait le harki, ses meilleurs clients étaient bien sur la Police, et des beignets. j'allais donc sur les marchés les jeudis car au Cameroun il n'y avait pas d'école le jeudi alors qu'en France c'est le mercredi.

Je vendais les beignets, il y avait des beignets aux oeufs et des beignets au maïs, j'adorais les deux. Ma tante prenait la précaution de les compter car malgré tout elle n'avait à juste titre qu'une confiance très relative en moi. Je partais donc avec ma bassine sur la tête qui reposait sur une serviette enroulée pour éviter le contact direct avec le métal. Vers la fin je marchais sans tenir la bassine.

Le contrat c'était pour 10 beignets vendus, j'avais droit à un gratuit en dégustation. Evidemment au retour quand ma tante faisait le compte il y avait toujours un problème et le seul argument que j'évoquais, c'était qu'ils étaient tombés dans la terre rouge" la laterite" et je ne pouvais donc pas les vendre et je les avais donc jeté. Ma tante qui n'était pas dupe secouait la tête avec un léger rictus qui ressemblait à un sourire moqueur et néanmoins déduisait l'équivalent en argent qui m'était retrocédé. Avec le recul je m'étonne de ne pas m'être rendu compte qu'elle ne me croyait pas, j'étais vraiment idiot et je me croyais malin.

J étais très heureux de vendre ces beignets car çà sortait de mon ordinaire, mais en réalité çà me causait un énorme problème. En effet à cette époque les métis étaient tous des nantis car le père en général faisait partie soit de l'élite intellectuelle, soit de la gente commerciale et financière. De fait ces pères avaient des postes très importants et gagnaient très bien leur vie et donc ces métis vivaient généralement dans le luxe. En fait pour un métis vendre des beignets qui était plutôt le domaine des pauvres, c'était vraiment un sacrilège. Je tentais tant bien que mal de me cacher et néanmoins je n'évitais pas les moqueries à l'école.
Ce qui m'a sauvé c'était d'une part que je ne fréquentais quasiment pas les métis et d'autre part ils n'allaient jamais au marché puisqu'ils avaient tous des domestiques. Avec le recul ces métis qui vivaient dans le luxe même si je les enviaient quand même, n'ont jamais vécu ce bonheur de se mélanger à la foule, avec les multitudes de couleurs, d'odeurs, de bruits, de pousse pousse qui s'entrechoquent avec des jurons qui fusent. Le bonheur en fait, simplement le bonheur. En tout cas çà demeure un souvenir extraordinaire.

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